Voici un texte intéressant pour qui s'intéresse aux pathologies des communautés religieuses:
7 novembre 07
Laurette Lepage
Cher Mgr Ouellet,
J'ai 84 ans et, même retraitée dans un foyer d'aîné(e)s, j'ai encore un pied sur le terrain, toujours en contact et en communion avec des groupes d'engagement et des personnes marginalisées ou exclues de la société religieusement aseptisée. Et j'ai mal à mon Église ! J'y vois un tel décalage entre le message tout de fraîcheur et de liberté de l'Évangile et le discours abstrait, lourd et moralisateur d'une institution qui semble agoniser! Tension interminable et lutte entre le Temple et le Royaume. Le Temple qui désire toujours maintenir le pouvoir, le contrôle et s’imposer à tout prix. ….
Ce soir-là, la parole qui m'est restée est celle-ci: "Repartir du Christ". Cela laissait présager un nouveau départ dans un effort solidaire et un engagement concret et contagieux. Mais les discours d'après et les gestes posés depuis ont de quoi nous laisser croire que l'Esprit-Saint est en panne autour du Concile de Trente... Que fait-il là, lui qui est censé nous donner la lumière pour comprendre et vivre aujourd'hui, dans ce monde en constant changement, ce que le Christ nous a dit, il y a 2000 ans ? Si l'Église n'est pas de notre temps, c'est qu'elle n'a pas su s'incarner dans l'histoire et s'ouvrir au Souffle de l'Esprit qui passe autant dans la hiérarchie que dans le peuple de Dieu.
Aujourd'hui, notre Église du Québec est en proie à la souffrance et à la détresse. Oui, la foi est en danger! Pourtant, sous les cendres de nos tiédeurs et de nos écarts, couve encore et toujours la braise d'un grand Amour. Mais ce n'est pas en s'accrochant à des formulations périmées ou à des structures inadaptées que l'on rallumera le feu. Aussi, les tensions que nous vivons de ce temps-ci ne sont pas une maladie honteuse, mais un signe de santé, de vitalité, une crise nécessaire à un changement authentique de structures fossilisées.
On touche ici le mystère de l'Église. Le Christ l'a voulue humaine, dirigée par l'Esprit-Saint, mais comme institution, elle est appelée à s'incarner dans l'histoire en marche. Le monde de 2007 n'est plus celui de 1930. Le changement est une attitude normale dans l'Église-institution et même une attitude nécessaire pour que le message intouchable de l'Évangile soit audible dans le monde de ce temps. …..
. Oui, je suis une vraie catholique de souche, issue de cette génération qui a baigné dans une Église qui gérait toute notre vie et qui avait même son mot à dire dans le choix d'une vocation. Alors que je voulais enseigner un peu avant d'entrer en religion, mon curé m'a dit: "Non, t'es trop belle, t'aime trop danser, tu vas perdre ta vocation"! Comment alors ne pas aussitôt, "mourir au monde", à ce monde si méchant?... C'était l'époque où nous chantions tous: "Rome a parlé, je crois, je crois" !
Dans mon enfance, j'ai été catéchisée à plein : j'ai mémorisé avec succès les quelque 300 réponses du petit catéchisme de la province de Québec. J'ai aussi été sacramentalisée à plein : la première communion, la communion solennelle, la confirmation, la confession mensuelle, à l'école ( avec le catalogue de péchés pour nous donner des idées à dire au confessionnal...) et la confession obligatoire, si on faisait le "péché mortel" d'aller danser... la messe obligatoire du dimanche, sans compter les vêpres en latin, le mois de Marie, le mois du rosaire, le mois des morts, les neuvaines à saint Joseph, à la bonne sainte Anne et, bien sûr, le chapelet en famille. Il n'y avait pas de choix ! C'était la manière de dresser un chrétien. Une religion de peur, de culpabilisation, de dolorisme et d'obligation. À mille lieues d'un Évangile de joie, de liberté, de compassion et d'amour !
Devenue adulte, pendant des années, j'ai tâché, comme enseignante, de transmettre les valeurs qui m'avaient été léguées, jusqu'à ce qu'enfin, on ouvre dans l'Église l'accès à la Parole de Dieu. Dans les années '40, alors que j'étais religieuse, j'ai dû obtenir une permission spéciale pour avoir accès à la Bible.
Puis sont arrivées les années de préparation à Vatican II, les études à l'Université, la découverte de l'exégèse et des genres littéraires, etc. C'est comme si on déposait une chape de plomb pour retrouver un grand souffle de liberté et de confiance en la vie. C'est comme si on arrêtait de se regarder le nombril et de sculpter sa statue et qu'on fixait les yeux sur un Dieu amoureux des hommes et des femmes et qui veut devenir "la respiration de notre vie, notre ciel intérieur, notre soleil caché", comme nous le dit Maurice Zundel. Devenir des chrétiens habités, des chrétiens au visage de l'Amour.
Un grand vent d'espérance soufflait alors sur l'Église. En 1971, j'écrivais: "La tâche de la communauté n'est pas d'embrigader, de chercher à convertir les âmes, mais de s'engager avec les hommes et les femmes au plan de l'existence profane, dans une conscience responsable, au service des valeurs humaines et des tâches collectives: la lutte contre l'injustice, la faim dans le monde, la guerre, l'aliénation de l'homme, etc. 1
Les adultes d'aujourd'hui ont vécu une époque où toutes les questions avaient réponse, où la vérité était d'emblée du côté du curé et de l'Église. Ce modèle a changé nettement, tant du côté des humains en évolution que du côté de la doctrine. Le renouveau biblique, catéchétique et liturgique a remis au centre de la foi l'essentiel du mystère chrétien. Nous sommes donc en face de catholiques sur-catéchisés, "eucharistiés", mais souvent non évangélisés. Il s'agit d'inventer de nouvelles formes d'incarnation de la Parole qui pourront ressusciter cette dormance endémique. …..
Dès 1969, le sociologue Raymond Lemieux posait déjà le vrai problème: "La communauté chrétienne, en autant qu'elle existera, aura de plus en plus besoin d'hommes et de femmes bien structurés intellectuellement, vivant de la foi de la communauté, pour transmettre cette foi à ses enfants (élevés dans un milieu scolaire qui, confessionnel ou non, leur posera de plus en plus de questions) et aussi aux adultes qui auront de plus en plus besoin d'une éducation permanente dans leur foi". 3.
Depuis 40 ans, hélas, l'euphorie du Concile est tombée peu à peu et l'attente de nombreux laïcs s'est transformée en amertume et en découragement devant l'immobilisme et même le retour en arrière. Où en sommes-nous en 2007 ? À une rencontre récente à l'Université Laval, j'entendais M. André Mignault dire: "L'Église a perdu l'Évangile". Son discours institutionnel n'est pas attentif aux besoins de la communauté chrétienne. Il cherche avant tout à ne pas faire de vagues avec Rome, l'Empire. Tout le contraire d'une parole prononcée dans la liberté de l'Évangile. Pas étonnant que la pratique religieuse soit en chute libre, que les jeunes s'éclatent en d'autres temples et que les chrétiens frileux se crispent sur le passé et rêvent d'une Église qui resserre les boulons. Pourtant, l'Esprit souffle encore sur notre monde. C’est peut-être nous qui oublions de hisser nos voiles à son grand vent du large, ou qui ne savons pas ouvrir les yeux sur les braises qui s’éveillent sous la cendre.
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Si les églises se vident, si les prêtres sont rares et s'il n'y a plus de relève, est-ce vraiment la foi qui s'évanouit? Ce qui est en crise dans l’Église, c’est finalement la capacité de faire retentir l’Évangile, mais reste la question centrale : quel Dieu présente-t-on ? Il y a des manières d'en parler qui ne passent plus dans notre culture moderne. Cela ne veut pas dire qu'il faille rejeter le passé, mais aujourd'hui, le champ est différent. La semence, elle, reste toujours aussi bonne, mais il faudrait réapprendre à semer !
Non, tout n'est pas perdu! Le feu brûle encore sous la cendre. Les églises sont peut-être vides, mais les sous-sols et les petits lieux de rassemblement, tout comme des catacombes, débordent de chrétiens qui partagent leur foi autour de la Parole et qui prient et qui s'engagent auprès des plus petits. Toutes ces forces vives, je les découvre au ras du sol, au hasard des rencontres, et souvent, dans les marges de l'Église officielle… Je pense à la Fraternité de l'Épi, à Foi et Partage, aux Missionnaires de la rue, aux groupes des "Amis de Maurice Zundel" (AMZ), au Foyer de Charité, aux Heures bénédictines, qui sont pour moi des lieux de ressourcement. Ces personnes ont une qualité de prière et de charité qui m'est un enseignement et un défi. Elles partagent leur foi dans la simplicité, portent attention aux plus démunis et, pratiquants ou non, travaillent côte à côte, dans une amitié à saveur d'Évangile. Mais cela n'est pas spectaculaire, un peu comme le ferment dans la pâte…….
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Avec une espérance tourmentée, mais indomptable,
Laurette Lepage
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Malgré ses 84 ans, malgré d'excellentes actions posées dans le cours de la vie de cette dame, son texte de doit être commentés avec réalisme et franchise. C'est ce que je ferai ici, a peu près dans l'ordre d'importance des sujets.
1) C'est une défroquée des années 60-70. Ce point, avec le fait que dans cette situation elle veuille donner des lecons, est le plus fondamental. Car il y a un profil dangereusement courant la, même s'il n'est pas universel.
Le livre de M. D'Allaire, 20 ans de crise dans les communautés...1960-1980, dont je parle au sujet "Livres sur les religieux" sur ce forum, indique clairement la connexité des différentes pathologies en question. Ces pathologies sont assez reconnaissables ci-haut.
2) D'abord la catéchèse. Il est renversant qu'on percoivent une surcatéchisation en 2007, après 40 ans d'échec de la caté existentielle commune a toutes les petites relizions cucu des années 60: la zoie et le partaze. Une grave déformation de l'évangile qui n'a rien de cucu et ou le Dieu vengeur (vindex), par exemple, est très présent.
Pour des vieux je comprends. Mais justement, ce sont eux le problème, ils bloquent les réformes qui exigeraient une caté adaptée, i.e. dogmatique et apologétique, avec acquisition du sens de l'éternité,
sans rien perdre du texte biblique.
Quels que soient ses défaut, la caté de 1930 est infiniment supérieure a l'immonde lavasse émotive des 40 dernières années ou la moitié du message est censuré. Avec la caté classique, on acceptait ou on rejetait. Avec la nouvelle on méprise avec indifférence amusée.
2) L'euphorie du concile est tombée a cause de l'échec retentissant
de cette euphorie et a cause de l'idiotie propre au 68ardisme théologique-pastoral et a sa pensée magique. C'est la mort qui fait chuter l'euphorie, pas un soi-disant dogme systématiquement censuré ou une orthodoxie jamais prêchée. Le monde a l'envers. On n'est plus dans son jeune temps.
3) Le Dieu libérateur qui libère librement des liberté a libérer est exactement le petit dieu cucu qui est prêché en caté notamment, depuis 40 ans. Or la mort s'est développée justement dans ces 40 ans! C'est le monde a l'envers que de percevoir le Dieu juge ou vengeur des évangiles (pour les impénitents) dans les 40 dernières années. Nous ne sommes justement PLUS dans les
années 30.
3) L'histoire , a première vue, semble indiquer que la panne ne vient certainement pas de Trente, mais de 1968. Il faut des échafaudages intellectuels bien plus sophistiqués pour accuser Trente des malheurs qui ont justement commencés, ou ont été immensément aggravés, dans les années 60.
4) Si les choses des 70s,surtout la caté, l'absence d'apologétique, sont complètement inadaptées au présent, alors il faut se débarrasser de ces formules périmées et aller vers le changement néotridentin. Le changement ca va dans tous les sens, surtout dans celui de la réussite.
5) Le sens du péché est central dans le combat ascétique et la sanctification. La petite relizion cucu souffre de l'élimination de la culpabilisation, car sans celle-ci, pas de conscience qui puisse juger des péchés.
6) les questions du monde et des mondains impliquent une apologétique renforcée, non sa destruction par les religions cucu (le catholicisme n'est pas seul)
7) Les causes profanes profanisent la foi. Donc les églises meurent, devenues un détour inutile. Les communautés entrent en décadence. Des bonnes soeurs furent les dernières a être marxistes!!!

les études bibliques n'ont rien a voir avec le 68ardisme théologique, quand elles sont sérieuses. Elles ne censurent pas la notion de Dieu vengeur, bien comprise - dont il est raisonnable d'avoir peur si on pèche sans pénitence.
Elles ne sont jamais séparées du dogme.
9) le renouveau et le vent du large échouent depuis 40 ans. C'est un discours conservateur et mécanique au second degré. Les néotridentins sont tout sauf conservateurs. Le latin est très nouveau sauf pour les très vieux. Réapprendre a semer, répété depuis 40 ans, c'est la pensée magique. Regardons les séminaires pleins des communautés NOUVELLES.
10) les petits rassemblement, les communautés de base (y inclus les tradis
qui effectivement sont nés de la base), c'est bien, ces tiers-ordres et sociétés pieuses, cela a toujours existé. Le problème c'est qu'elles risquent souvent de s'enfoncer dans les gaffes parce qu'elles accentuent encore les pathologies de certaines paroisses, elles voudraient que ces paroisses aillent encore plus loin dans les pathologies 68ardes qui ont tué les séminaires et la vie religieuse.